n.º 5165.

Au Roi d'Espagne

Paris, 17 brumaire an VIII

Dans la position oú se trouve l'Europe, j'ai cru necessaire de charger spécialement le citoyen Lucien Bonaparte, mon frère, de représenter à Votre Majesté l'utilité dont serait pour les alliés la conquète du Portugal.

Malte et Mahon sont tombés au pouvoir de nos ennemis. La Louisiane se trouve ménacé. le plus grand mal que nous puissions faire aujourd'hui au commerce anglais serait de s'emparer du Portugal. Cette conquète dédommagerait d'ailleurs l'Espagne des pertes et des dépenses qu'elles a faites dans la guerra et illustrerait à jamais le règne de Votre Majesté.

Si elle croyait avoir besoin de l'assistence de quelques troupes d'ingénieurs et d'artilleurs français, Votre Majesté est persuadée de l'empressement que je mettrai à les lui procurer.

Le seul obstacle qui s'oppose encore à la paix du continent, c'est l'intervention de l'Angleterre. Mais tous les peuples du continent demendent à grands cris la paix et le peuple anglais lui-même manifeste, tous les jours um sentiment pour la paix qui influera enfin sur sa Majesté Britannique. La guerre de Votre Majesté avec le Portugal accélérerait encore davantage le mécontentement public en Angleterre, et ferrait sentir à cette nation ambitieuse que la gloire castillane a pris une nouvelle vigueur sur le règne de Votre Majesté, et que, si les Anglais ont menacé cadix dans un moment où cette ville aurait été respectée par les nations les plus feroces, Votre Majesté ná pas laissé impuni cet acte déloyal et contraire à l'humanité.

Je prie Votre Majesté de croire à la considération toute particulière que j'ai pour elle.

Bonaparte.

Fonte:
Correspondence de Napoléon Ier, Tome VI, 
Paris, Imprimerie Impériale, 1860,
págs. 630-631