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1803, Agosto, 14,
Saint-Cloud
n.º 7007 |
Au citoyen Talleyrand, ministre des relations extérieures Saint-Cloud, 26 thermidor an XI Ce qu'il y a de plus important dans notre position actuelle avec l'Espagne n'est point l'affaire des subsides ; ce n'est point l'exécution du traité qui nous lie, mais c'est, 1° l'étrange conduite d'avoir laissé enlever deux bâtiments ancrés à Algésiras, et de ne pas même offrir d'en payer l'équivalent; 2° c'est de voir quatre vaisseaux de guerre français arriver à la Corogne et de les laisser exposer aux attaques de l'ennemi, en les traitant avec tous les mauvais procédés qu'on peut avoir pour des Barbaresques ; 3° c'est l'impertinence avec laquelle on ose dire qu'on arme 100,000 hommes de milices, qui évidemment ne sont point pour faire la guerre aux flottes anglaises. Je désire que vous remettiez à M. d'Azara une note ainsi conçue: "Le Premier Consul m'ordonné de faire connaître à Votre Excellence que la mesure des outrages qu'on se permet en Espagne contre la France depuis quatre mois est près d'arriver à son comble. Ce n'est pas ce que le Premier Consul avait le droit d'attendre de Sa Majesté Catholique. Il se plaît encore à croire qu'elle est étrangère à ces menées et à tous les outrages qu'on n'épargne pas au pavillon français. Mais cela tient sans doute aux calculs perfides d'hommes qui, insatiables d'or, ont vendu les intérêts de leur prince et de leur pays à l'Angleterre, où ils espèrent trouver un refuge contre l'abîme où ils veulent évidemment entraîner l'Espagne. Deux bâtiments de Marseille, richement chargés, venant de la Martinique, sont arrivés à portée de pistolet du fort d'Algésiras. Le gouverneur, qui avait été averti, a fait tirer un coup de canon à poudre et a laissé amariner les bâtiments français. Le Premier Consul demande que la valeur de ces bâtiments, estimés à trois millions, soit versée à Marseille pour indemniser les propriétaires ; que l'officier qui commandait les batteries soit jugé par un conseil militaire comme ayant laissé violer le territoire espagnol ; que le gouvernement de Cadix, qui s'est permis d'arrêter des Français et de vouloir les forcer à entrer dans une levée de milices évidemment dirigées contre leur patrie, et que les hommes ennemis de leur roi et de leur pays qui entendent armer contre la France, soient sur-le-champ destitués; que les Français qui ont débarqué à Malaga par le mauvais temps et par les événements de la guerre soient traités, non comme s'ils étaient des Turcs, mais comme des soldats d'une nation amie de l'Espagne, et surtout d'une nation voisine qui a assez de force pour venger les outrages faits à ses drapeaux et à son sang ; que l'officier qui, à Algésiras, s'est conduit avec autant d'inhumanité que d'outrage envers les bâtiments français, soit destitué ; que l'escadre de quatre vaisseaux français qui a relâché à la Corogne depuis un mois, et, ce qui est sans exemple, à l'équipage de laquelle on n'a pas permis de descendre à terre pour faire la quarantaine et qu'on a contraint à rester encombré sur les vaisseaux, après les fatigues d'une traversée de soixante jours, sans lui permettre d'entrer dans le port et les bassins, mouillée au delà des jetées et exposée aux insultes des Anglais, puisse débarquer à terre et être mise en réparation ; car si elle était insultée sous le feu de la Corogne, comme c'est peut-être le projet de quelques hommes voués à l'Angleterre, ce nouvel outrage qu'essuierait la France dans les ports espagnols serait vengé par la chute de la monarchie espagnole ; que les 100,000 hommes de milices qui ont été levés soient sur-le-champ contremandés ; que toutes les troupes qui ont été envoyées en Catalogne, dans la Navarre, dans la Biscaye, dans les Asturies, à Valladolid, à Burgos, depuis le 1er vendémiaire an XI, en soient sur-le-champ retirées et dirigées du côté de Gibraltar et de la Corogne ; enfin que l'armée espagnole ne soit pas remise sur le pied de guerre ; ce qui ne peut être évidemment que dans des intentions hostiles contre la France ; que la marine espagnole soit réorganisée, au lieu de souffrir que des hommes ennemis de l'Espagne, ignorant que sa puissance est fondée sur ses immenses colonies, détruisent sa marine et osent menacer et comprimer par ses armées de terre la nation française. Après que le Premier Consul aura satisfaction sur ces questions, il restera à voir à Sa Majesté : Si elle veut ou non soutenir le traité d'Amiens, qu'elle a signé et que l'Angleterre a violé ; Si elle veut faire la guerre à l'Angleterre, ou, dans le cas de neutralité, accorder à la France le subside demandé, et qui peut seul compenser le tort que fera à la France la neutralité de l'Espagne; Ou si Sa Majesté, aveuglée par l'esprit de vertige qui s'est emparé de ses ministres, veut faire la guerre. Au reste, le Premier Consul me charge de vous faire connaître que la plus grande responsabilité qui ait pesé sur aucun ministre pèse sur vous par cette déclaration que je suis chargé de vous transmettre. Il est impossible que le roi ne s'aperçoive point qu'il est trahi, ou il a pris véritablement la résolution de se coaliser avec l'Angleterre contre la France. Dans l'un ou l'autre cas, l'intention ferme du Premier Consul est qu'avant le 20 fructidor cette question soit décidée, et qu'il sache à quoi s'en tenir. Il a laissé passer du temps, parce qu'il a vu les vaisseaux espagnols rentrer dans leurs ports ; cette complaisance a été prise pour de la faiblesse de la part des hommes qui dirigent le cabinet de Madrid ; mais le Premier Consul est décidé enfin à faire connaître que Dieu lui a remis l'autorité nécessaire pour faire respecter les traités, et qu'une nation voisine doit avoir pour le sang et le pavillon français les mêmes égards que la France a pour le sang et le pavillon espagnols." Je dirai ici dans deux jours un mot à M. d'Azara, pour accréditer cette note. Envoyez-la au général Beurnonville, pour qu'il la garde secrètement, et pour que, deux jours après que M. d'Azara l'aura envoyée à Madrid , il en remette une dans les mêmes termes. Déclarez-lui que je mets sous sa responsabilité personnelle s'il y a en Catalogne, dans la Biscaye, à Burgos et à Valladolid aucunes troupes, si toutes les levées ne sont pas congédiées, si l'on fait quelques approvisionnements dans les forteresses de Pampelune et de Fontarabie. Sous quelque prétexte que ce soit, mon intention est qu'il n'entre dans aucun pourparler qu'au préalable, 1° les vaisseaux français qui sont à la Corogne puissent débarquer à terre leur équipage et être mis en réparation ; 2° que toutes les troupes soient sur le même pied qu'elles étaient au 1er vendémiaire an X ; que toutes les levées de troupes soient contremandées ; enfin que Sa Majesté s'explique net que dans aucun cas elle ne fera la guerre à la France; que le gouverneur de Cadix soit destitué, et l'officier d'artillerie d'Algésiras puni ; que je ne puis dissimuler que je fais marcher des troupes, et que 80,000 hommes entreront en Espagne avant 15 vendémiaire. Il doit dire enfin positivement que l'Espagne ne doit pas tenir sur pied d'armée de terre autre que celle quelle avait il y a deux ans ; que je suis profondément outragé des 100,000 hommes dont il me menace et qui singent parfaitement avec la levée en masse des Anglais ; qu'il est évident qu'une armée de terre espagnole n'a d'autre but que de se coaliser contre la France ; que, du reste, j'entends qu'avant le 20 fructidor on ait remis dans mes mains les obligations des soixante et douze millions pour l'an XII, payables mois en mois, et les vingt-quatre millions, échus depuis prairial qui doivent être réalisés en argent avant le 20 fructidor; je ne recevrai pas en lettres de change, mais en piastres rendues à Bayonne ou bien que l'ambassadeur anglais soit chassé, l'embargo mis sur tous les bâtiments anglais ; les quinze ou vingt vaisseaux que 1'Epagne peut fournir, armés ; le Portugal et Gibraltar attaqués de concert avec l'armée française ; qu'entre cette double alternative et faire la guerre à la France je n'en connais pas une quatrième; que si l'on continue à rassembler des recrues, à refuser des semestres et à mettre enfin l'armée en état d'agir, le général Beurnonville doit demander une entrevue au roi, lui donner cinq jours pour se décider et se retirer à la campagne. Au bout de ce terme il préviendrait autant que possible nos commissaires des relations commerciales et ferait prendre la mer à nos vaisseaux. Dans ce cas, dans la dernière décade de fructidor, 90,000 hommes entreront dans Navarre, et 15,000 dans la Catalogne, qui seront soutenus par un nombre pareil. Bonaparte
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